Voilà un nouveau village en transition qui s’annonce

25 mars 2019 14:10
Atelier à Saint-Christophe des Bardes autour de la transition
Chapô

Les territoires ruraux interrogent l’imaginaire français et le modèle d’équité territoriale que nous souhaitons voir advenir. Face à cette lente métamorphose à l’œuvre, de nombreuses communes rurales esquissent de nouveaux chemins de développement et de qualité de vie, par la transition écologique. Les grandes métropoles n’ont pas le monopole de l’innovation, jugez plutôt.

A Saint-Christophe-des-Bardes, en Gironde tout a commencé par le constat implacable délivré par le maire de la commune: « Cette décision est celle d’un maire ayant, année après année, malheureusement éprouvé sans succès des modèles d’aménagement aujourd’hui clairement dépassés. J’ai donc pris il y a quelques mois la décision de mener une réflexion pour faire de cette situation une opportunité, une occasion de changer de paradigme en faisant entrer notre village dans une logique de développement, féconde ».

Dans ce petit village au cœur du vignoble Saint-Emilionnais, devenu patrimoine mondial de l’Humanité, une petite équipe au-delà des seuls élus municipaux a décidé de défricher l’avenir en s’appuyant d’abord sur ses propres forces. Le dynamisme d’un réseau associatif très actif, des compétences variées présentes sur le village et une cohésion sociale perceptible quotidiennement. L’équipe Auxilia a été mobilisée pour créer les conditions d’une mobilisation créative indispensable.

 

Mobilisation générale en milieu rural 

Mais cette démarche est loin d’être isolée. Dans la Drôme, Saillans relève le défi de la Démocratie collégiale et participative, condition d’une transition partagée. A Trémargat dans les Côtes d’Armor, une Société Civile Immobilière est créée sous l'impulsion de la commune pour acquérir des terres agricoles, et permettre ainsi à de jeunes agriculteurs de s’installer. Un café associatif et une épicerie associative locale bio profitent de bâtiments rachetés par la mairie pour apporter de précieux services à la population.

Correns dans le Var, entend devenir le premier « village bio » de France avec la totalité de ses agriculteurs engagés selon les principes de l'Agriculture Biologique depuis 1997. Des repas bios et locaux sont proposés au restaurant scolaire. Au Palais, à Belle-Île en Mer, une ressourcerie  associative permet l’embauche de cinq employés en réinsertion et offre une seconde vie à une grande variété d’objets ainsi qu’un lieu de vie de de convivialité et de réparation (Repair café). Dans le Var, la commune d’Arvieu s’appuie opportunément sur la transition numérique et héberge dans un ancien couvent une société coopérative multimédia, un fablab ou encore un espace de co-working. A Souvigny dans l’Allier, un même lieu accueille à la fois une école et une résidence pour personnes âgées, qui permet ainsi de partager des parties communes et donc de réduire les coûts mais aussi de voir des enfants régulièrement déjeuner avec des personnes âgées. Il n’est pas rare non plus de voir des anciens profiter des activités périscolaires pour le plaisir de quelques jeux de société. En matière de mobilité alternative au tout-voiture, comment ne pas saluer aussi l’essor des commerces itinérants, le portage à domicile des courses pour les anciens, l’auto-stop participatif comme à Juine et Renarde avec Rézo Pouce ou encore les Chaucidous qui permettent à moindre coût de favoriser la pratique du vélo. A Champdieu dans la Loire, c’est la mise en place d’une conciergerie rurale dans l’ancienne poste de la commune qui permet la vente de produits frais et d'épicerie de dépannage (commande sur internet possible) et l’accès à de nombreux services (relais Poste, mise en relation avec des artisans ou prestataires de service pour la cordonnerie, le pressing, le ménage, le jardinage, la plomberie... etc.).

 

Accompagner c’est aider l’autre à tracer son chemin

Revenons à Saint-Christophe des Bardes. En janvier dernier, le premier atelier composé de quelques véritables « pépites » du village, rassemblées autour du maire, avait donné des signes de rebond.  L’heure était venue de relever le premier grand défi d’un forum ouvert autour de la transition avec le plus grand nombre de participants évidemment. C’est la première fois que monsieur le maire tentait pareil folie. Combien de personnes espérer ? Une indication était donnée par la fréquentation des évènements festifs organisés habituellement au foyer communal, le cœur chaleureux du village. Entre 60 et 80 personnes répondent régulièrement aux diverses invitations.

Un quart d’heure avant l’heure officielle, des personnes plutôt âgées arrivent, puis des familles avec enfants, des jeunes amoureux de leur territoire, des propriétaires récoltants de châteaux, un vigneron en biodynamie, des responsables d’associations culturelles ou sportives, des habitants de ce nouveau programme de logements sociaux au cœur du bourg. Nombreux parmi eux ont apporté de quoi grignoter, prendre des forces pour cette première soirée de travail.

Le foyer communal est plein comme un œuf. Les tables sont prises d’assaut et la circulation est compliquée mais ce n’est pas grave ! Quelle joie de voir que plus de 120 citoyens de la commune – plus d’un électeur sur deux ! - se sont déplacés. Il va falloir ne pas les décevoir pour leur donner envie d’entrer dans la belle aventure promise.

Le maire est visiblement ému. Et il n’est pas le seul.  Au cours de ses mots d’introduction, il présentera le jeune couple qui va reprendre la boucherie-services du bourg (fermée depuis décembre dernier) sous les applaudissements chaleureux de bienvenue de toute l’assemblée.

 

Ce soir de mars 2019, « il s’est passé quelque chose »

La soirée se déroule comme prévu. Les échanges sont riches, l’envie d’apporter sa pierre à l’édifice visible, et surtout le plaisir de voir cette énergie collective naissante se lit sur les visages.  Déjà des idées convergent. Des projets s’esquissent. Une vision commune prend forme.

Les premiers « chantiers » formulés et partagés, chacun est invité à en choisir un ou plusieurs pour se retrouver dans les semaines qui viennent. Pour continuer de bâtir une vision commune par l’action concrète.

Accompagner la transition en milieu rural c’est d’abord animer un espace de confiance et d’espoir, fondée sur la liberté réciproque, dans une relation sécurisée et bienveillante. C’est faciliter la production d’idées et d’actions dans un temps court et moins couteux donc. C’est aussi miser sur le discernement stratégique pour élaborer une vision de l’avenir du territoire : les bénéfices recherchés, les possibilités de changer ou d’évoluer pour assurer la pérennité du projet de vie collective à l’échelle du village.

L’émergence d’un « chemin des possibles » est là, assurément. Nous sommes déjà au milieu du chemin. Désormais il va falloir permettre à chacun de comprendre et accepter ce qu’il est nécessaire d’abandonner et créer les conditions d’une mobilisation au long court pour agir et espérer. Ce soir-là, oui, il s’est vraiment « passé quelque chose ». Merci monsieur le maire, pour cette audace.

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